Elle était la plus jolie des actrices françaises de films pornographiques. Elle ne l'est plus. Pourquoi ? Car Tiffany Hopkins, cette petite brune au visage mutin que l'on a découvert tardivement dans le très beau « Propriété Privé » de Jack Tyler a décidé, après cinq ans d'activité, de stopper sa carrière d'actrice porno. Sa fraîcheur, sa spontanéité, sa souplesse et son corps sublime nous manqueront infiniment. Évidemment, comme toutes les actrices Tiffany simulait, jouait de son corps et de son personnage mais elle le faisait mille fois mieux que les autres. La vulgarité du porno ne l'atteignait pas. Sa façon de se mouvoir, simple et naturel, a fait d'elle une actrice humaine et attachante à l'opposé des freaks sans âme tel que l'horrible Helena Karel. A 25 ans, celle qui nous a charmé par ses prestations incarnées, avoue passer aujourd'hui le plus clair de son temps à triturer les touches de son ordinateur pour en sortir ses propres compositions, lorsqu'elle ne fait pas les choeurs pour l'excellent duo d'électro breton Abstrackt Keal Agram. Bref, qu'on se le mette dans la tête Tiffany va dorénavant se consacrer à ses passions musicales. Nous n'aurons plus l'occasion d'admirer cette jeune femme douce, coquine et d'une beauté naturelle qui faisait d’elle la représentation parfaite de la « girl next door ». Tant mieux pour elle et tant pis pour nous. Malgré cette retraite précoce, Tiffany a très élégamment accepté de répondre à nos questions et revenir sur cette période de sa vie. L'histoire ordinaire d'une fille qui l'est beaucoup moins.

Technikart : Tiffany, tu as été pendant cinq ans une des actrices pornographiques les plus connues en France, peux-tu nous raconter comment tu es entré dans ce milieu ?

Tiffany : En fait je n'ai jamais eu l'idée de devenir actrice porno, je n'y avais jamais songé. J'avais 19 ans, j'étais en terminale et pour tout dire je ne savais même pas qui était Rocco Siffredi. C'est une rencontre qui m'a fait entrer dans ce monde. Je suis tombé amoureuse, je me suis marié. Et c'est cet homme qui, lors d'une soirée, m'a fait rencontrer Anastasia (Anastasia Christ, une actrice de films pornographiques NDRL). Elle m'a proposé de tourner une première scène. J'ai accepté.

Technikart : Quel souvenir en gardes-tu ?

Tiffany : Plutôt un bon souvenir même si ça a été une épreuve assez dure. J'étais très pudique, pas forcément à l'aise avec la nudité de mon corps et l'image que j'en avais moi même. La scène se passait dans un château. Je suis arrivé, tous les hommes étaient dans la cuisine et là, Max Bellochio, le réalisateur, a lâché devant tous le monde « Ah c'est toi la petite nouvelle, montre-moi ton cul on va voir ce que tu donnes ! ». La grande classe quoi.

Technikart : Qu'est ce que tu t'es dit en sortant de la scène ?

Tiffany : J'étais assez fier d'avoir su dépasser ma pudeur. Ça n'a pas été évident pour moi de dépasser le cap de la timidité pour me concentrer sur l'aspect sexuel de la chose. Mais même si je n'ai pas vraiment pu cerner tous ce qui se jouait à cet instant, je n'étais pas non plus complètement innocente. Je percevais cela comme une performance. Je savais pourquoi je venais, j'avais un mec, j'étais amoureuse, je venais tourner une scène, pas faire l'amour. C’était, tout de suite, quelque chose de très clair en moi.

Technikart : Quant as-tu pris la décision d'en faire ton métier ?

Tiffany : Je ne l'ai jamais vraiment décidé. Tout ça s'est un peu fait par hasard. Après ma première scène je n'imaginais pas que d'autres suivraient. Je vivais la chose au jour le jour. On a simplement continué de me rappeler. J'en tirais une certaine fierté, je me disais en moi-même : « Tiens je ne suis pas aussi moche que je le pensais". Ça m'a aidé à avoir un peu plus confiance en moi.

Technikart : Comment as-tu vécu cette nouvelle identité ?

Tiffany : Le fait d'être connue en tant qu'actrice porno modifie la perception des gens à votre égard. Aujourd'hui, je ne fréquente plus aucune personne de ma vie disons « d'avant le porno ». Même avec les années les choses ne s'arrangent pas simplement. J'ai réussi à dépasser ce changement de perception des autres à mon égard mais ça n'a pas été simple à vivre. Cet aspect de ma vie est quelque chose que partagent énormément d'actrices porno. Cet isolement est un de nos principaux sujets de conversation car on a toutes à peu de choses près la même histoire personnelle. Alors évidemment on se demande parfois si ce n'est pas nous qui nous sommes inconsciemment coupées du monde.

Technikart : Tu viens de déclarer que tu cessais ton activité d'actrice, que comptes-tu faire maintenant ?

Tiffany : C'est encore tout frais mais je vais reprendre la musique. J'ai travaillé dernièrement avec les musiciens d'Abstrackt Keal Agram sur la bande orignal du dernier film de Jack Tyler « Le Démon », sinon je compose de mon côté sur mon ordinateur. Mes goûts sont assez éclectiques mais ma préférence s’oriente depuis toujours vers la musique électronique.

Technikart : Arrêter la pornographie, c'est une décision qui a été facile à prendre ?

Tiffany : Non. J’ai eu un peu peur de la manière dont ça pouvait se passer. Je ne voulais pas couper les ponts brusquement avec ce milieu qui continue encore aujourd'hui à me fasciner et dans lequel je me suis quand même fait pas mal d'amis. De toute façon, d'une manière ou d'une autre, je vais continuer à évoluer dans ce milieu pour y faire d’autres choses. Pourquoi pas un jour composer la bande original d'un film ou peut-être même en réaliser moi-même.

Technikart : Tu évoques la possibilité de réaliser un film. Les femmes ont-elles, selon toi, une approche différente de la pornographie ?

Tiffany : Oui mais ensuite chaque femme a, elle aussi, son propre regard avec lequel je ne me sentirais pas forcément en phase. Une fille va savoir, parfois anticiper ce que l’on peut ressentir à certains moments. J’ai moi j'ai tourné avec Clara Morgane, Ovidie, Angela Tiger etc. Ces expériences restent des bons souvenirs car c'était des tournages assez longs où des liens, des amitiés peuvent se former.

Technikart : La démarche d'une femme comme Ovidie qui plaide pour une pornographie féministe radicale, c'est quelque chose dont tu te sens proche ?

Tiffany : Tout ce qui est radical ne me touche pas forcément. Avec Ovidie, j'ai tourné une scène pour son film « Sexualité, mode d'emploi » c'était une séquence où je devais jouer avec une capote pour femme. Le but était de montrer de quelle manière ce type de préservatif se mettait, comment il s’utilisait, ça avait un côté assez pédagogique donc loin de tout cet aspect féministe radical qu'elle revendique mais dans lequel je ne me reconnais pas réellement.

Technikart : Lors de tes tournages, il t'arrivait de refuser certains actes, certaines pratiques ?

Tiffany : Oui ça m'est arrivé plusieurs fois de refuser certains gestes. Les claques dans le visage, se faire cracher dessus... Il y a des jours où c'est possible et d'autres où on ne peut l'accepter. Autrement, quand le mec avec qui je jouais ne me plaisait pas physiquement, je sublimais ce que je faisais en fantasmant, j'entrais dans une autre dimension, je nourrissais ce que je vivais de mes désirs personnels.

Technikart : On évoque de plus en plus une radicalisation du porno. Les productions gonzos seraient en train de devenir la norme, c'est un constat que tu partages ?

Tiffany : Pour l'instant, j'ai l'impression que c'est surtout aux Etats-Unis que ce genre de pornographie se développe de façon exponentielle. Ça ne me choque pas plus que ça tant que ça reste dans un contexte de mise en scène. Certaines pratiques extrêmes que l'on peut voir dans les films gonzo, j'ai pu moi aussi les accepter épisodiquement. Pour autant je ne crois pas que ce soit un problème de demande mais plutôt d'offre. Ce sont les producteurs et les réalisateurs qui décident de l'offre, ce sont eux qui, par exemple, exigent de l'anal dans toutes les scènes, ce sont leurs propres délires qu'ils proposent ensuite aux spectateurs.

Technikart : Dans les années soixante-dix le porno était perçu comme un champ artistique subversif, aujourd'hui les signes de la pornographie sont réutilisés à peu près partout, quel rôle tient selon toi le x de nos jours ?

Tiffany : La pornographie est avant tout un objet de divertissement qui a pour finalité la masturbation. Chaque film a un but précis et les pornos ne dérogent pas à cette règle. J'ai connu énormément de réalisateurs qui voulaient faire des comédies avec des scènes pornographiques à l'intérieur mais ça fonctionne rarement. Jack Tyler est un des rares aujourd'hui à y parvenir

Technikart : Tu viens de cesser ton activité de hardeuse, restes tu une consommatrice de pornographie ?

Tiffany : Je ne l'ai jamais vraiment été. J'en regarde assez rarement pour ne pas dire jamais. Ca ne m'attire pas. Je serais même peut-être un peu gêné d'en regarder un avec mon partenaire et puis, connaissant les trucs utilisés, les petits secrets de tournage, bref la manière dont est tourné un film pornographique pour en faire ce produit fini, fait que le côté glamour, fantasmatique de la chose ne me touche absolument pas.

Technikart : On utilise de plus en plus le sexe afin de récolter des fonds pour des causes humanitaires, toi t'est-il déjà arrivé d'utiliser la représentation de ton corps pour ce genre d'actions ?

Tiffany : Ça m'est arrivé pour aider Ian Scott (NDRL Un acteur qui s'est trouvé prisonnier à Panama. Durant le tournage des enfants ont grimpé pour voir ce qui se passait dans la villa où se tournait le film, la police Panaméenne a débarqué et mis en prison l'ensemble de l'équipe. Ian Scott a depuis été totalement innocenté). J'ai participé au DVD qui a été produit pour récolter des fonds pour lui et sa famille.

Technikart : As tu déjà tourné sans préservatif ?

Tiffany : Oui j'ai beaucoup tourné sans capote même si ça me posait problème. Au bout d'un moment si tu veux travailler tu es bien obligé de passer au dessus et puis, dans ce milieu, les contrôles sanitaires sont très réguliers. C'est hyper contrôlé. Personnellement je serais pour une imposition du port du préservatif mais à l'ensemble des pays car je crois que, même si ce n'est pas forcément le rôle de la pornographie de faire de la prévention, malgré tout, le porno doit s'adapter à ses spectateurs car ces images ont une influence sur les représentations de certaines personnes.

Technikart : Es-tu une grande lectrice ?

Tiffany : Je n'arrête pas de lire mais, ça va vous paraître étrange, je ne retiens jamais le nom des livres ni même des écrivains. Sinon ma copine Nina (Nina Roberts, une ex-actrice porno qui depuis la fin de sa carrière de hardeuse a publié deux livres aux Éditions Scaly Ndrl) vient aussi de m'offrir son dernier bouquin mais je ne me suis pas encore plongée dedans.

Technikart : Quel est ton regard sur la campagne présidentielle ?

Tiffany : Je suis particulièrement touchée par la question écologique mais je ne me retrouve pas dans l'ensemble du programme des Verts. La question de la dette intérieure me préoccupe beaucoup et je ne vois pas l'intérêt de faire un tas de promesses si elles ne peuvent être tenues. De toute façon, je le garde pour moi, mais je commence à être à peu près sûr de mon choix concernant mon futur vote.